Pascal Rambert, Libido sciendi (dessin de François Olislaeger)
Tout commence, après déshabillage, par un long baiser du couple nu.
Il y a représentation, non accomplissement. Rambert s'inscrit parfaitement dans l'héritage classique. Il représente un coït archétypal, idéalisé. Elle et lui (émouvants Ikue Nakagawa et Lorenzo De Angelis, qu'il faut saluer) sont jeunes et beaux, leur élan pur et simple, l'acte sans autres accidents que ceux que dicte la nature.
Rambert illustre les thèmes convenus de l'union amoureuse. La sacralité de l'acte. L'enchaînement. L'enchevêtrement. L'unisson. La symétrie. La réciprocité. L'érotisme des cheveux. La communication avec le cosmos que la grande salle vide, surdimensionnée pour une scène intime, peut symboliser. La douceur la violence, la tension le relâchement, la pudeur l'abandon.
(Au fond, tout l'acte sexuel n'est qu'un jeu de balance entre retenir et lâcher, une illustration de l'attraction universelle.)
Pascal Rambert, Libido sciendi (dessin de François Olislaeger)
Rambert ne renonce pas non plus à la métaphore chorégraphique, comme de jolis portés d'agneau. Il y a des courses de sauts naïfs, des gestes d'exclamation ou d'orants, des yeux levés vers un ciel indéfini, très mystérieux. Rambert tente cependant de pousser plus loin le naturalisme, presque absent du ballet classique, en montrant les jeux de mains, de langue, de nez. La plus belle scène mêle les deux genres : debout, elle fait aller et venir le sexe de son partenaire dans sa main, tandis qu'elle-même effectue un pudique mouvement de balancier, tête renversée, proprement chorégraphique. L'effet est empreint de douceur, de sensualité, de paix.
Pascal Rambert, Libido sciendi (dessin de François Olislaeger)
Dans Libido sciendi, tout est délicatesse et simplicité. Certaines intentions de Rambert sont clairement affichées : les deux interprètes sortent du public et reviennent à lui, même s'ils finissent par s'en extraire pour saluer. Ils font partie de nous. C'est eux qui allument et éteignent les lumières qui éclairent le duo. Ils n'ont rien à cacher, semblent dire ces grands néons cliniques, et la lumière est la condition de la connaissance. Pour autant, ce n'est pas ce que Libido sciendi me semble clamer vraiment.
La salle haute de la Ménagerie de verre, splendide grande boîte rectangulaire coiffée d'une charpente métallique minimaliste, typique de la fin du XIXe siècle, offre un éclairage zénithal, une bande vitrée de ciel bleu-rose. Libido sciendi serait aussi très beau sous la lune.
Pascal Rambert, Libido sciendi (dessin de François Olislaeger)
♥♥♥♥♥♥ Libido sciendi, de Pascal Rambert, a été donné à la Ménagerie de verre dans le cadre du festival Les Inaccoutumés les 22, 29 novembre et 6 décembre 2008.
Un grand merci à François Olislaeger, dessinateur, auteur de plusieurs albums, qui a l'excellente idée de dessiner pendant les spectacles, me donnant presque envie de poser mon appareil photo de temps en temps. Il a déjà sévi au festival d'Avignon en 2005 et 2008 et a commencé une série sur la danse contemporaine depuis peu, qu'il ne faut absolument pas manquer. On en redemande !